Accès au site de l'IRD Retour à la page d'accueil

SOS bouées scientifiques !

Interactions pêcheurs - bouées météo-océaniques

 

Depuis sa mise en place en 1997, le réseau de bouées météo-océaniques PIRATA a été confronté au problème de la dégradation ou la disparition de certaines bouées situées dans les eaux les plus fréquentées par les pêcheurs de thon. Cette situation soulève deux questions principales :

Quelles interactions entre bateaux de pêche et bouées scientifiques ?
Quel avenir pour le réseau PIRATA, face au vandalisme ?

 

Quelles interactions entre bateaux de pêche et bouées scientifiques ?

L'interaction entre bateaux de pêche et bouées météo-océaniques vient de la propriété qu'ont les thons de se rassembler autour d'objets flottants ; le pouvoir attracteur de ces derniers est indépendant de leur taille, leur matériau et de leur ancrage éventuel sur le fond. Les bouées du réseau PIRATA sont donc des indicateurs de présence possible du poisson : elles intéressent donc potentiellement les pêcheurs… Mais il y a pêcheur et pêcheur, et la situation est en réalité un peu plus complexe, car différentes flottilles et techniques de pêche co-existent dans le golfe de Guinée, et l'action de pêche n'est pas la seule cause des dommages subis par les bouées du réseau. Le golfe de Guinée, et de façon plus générale, l'Atlantique tropical est, sont d'importantes zones de pêche thonière. Plusieurs flottilles y travaillent régulièrement :

- des thoniers senneurs surtout européens (espagnols et français), mais aussi ghanéens. Ils pratiquent la pêche à la senne, qui consiste à encercler un banc de thons proche de la surface en déployant autour de lui un grand filet, qui est ensuite refermé par la base pour former une poche d'où le poisson ne peut s'échapper. Les bouées scientifiques ne sont pas d'un grand intérêt pour ces navires : non seulement la manœuvre de la senne est impossible autour d'une bouée ancrée, mais la plupart d'entre eux ont depuis de nombreuses années leurs propres systèmes d'attraction des poissons. Ils embarquent en effet des radeaux dérivants qui sont mis à l'eau dans les secteurs potentiellement intéressants, puis récupérés après le coup de senne. En outre, les armateurs français sont sensibilisés à l'existence et l'intérêt de ces bouées météo-océaniques.

- des palangriers asiatiques (surtout de Taïwan et du Japon), qui pêchent des thons de grande taille à plusieurs dizaines de mètres de profondeur grâce à des palangres, longues lignes tendues horizontalement entre 30 et 300 mètres de profondeur et munies de milliers d'hameçons disposés à intervalle réguliers. Ces lignes ne sont pas ancrées au fond et dérivent donc au gré des courants. Ne ciblant pas des bancs de thons, ce type de pêche est moins dépendant d'objets attracteurs tels que les bouées, à proximité desquelles les grands individus peuvent toutefois être plus abondants. La pose des palangres trop près des bouées et leur dérive peut les amener à s'y emmêler, endommageant éventuellement les capteurs sous-marins disposés le long de la ligne de mouillage. C'est ce qui a été observé sur une des bouées relevées en 2004 lors d'une campagne PIRATA. Mais cette interaction liée à l'opération de pêche ne peut pas expliquer la disparition de bouées (par section du câble du mouillage, ou sa rupture suite à l'amarrage d'un bateau par exemple) ou de matériel électronique… Des pêcheurs français ayant visité un navire asiatique dans le port d'Abidjan ont ainsi témoigné avoir vu un bel anémomètre Young (le modèle utilisé sur les bouées) servant de presse papier sur le bureau du commandant !

- une troisième flottille opére dans le golfe de Guinée comme dans toutes les mers du monde : celles des bateaux-pirates qui pratiquent une pêche illégale, non déclarée et non réglementée (dite INN, ou IUU en anglais). Ces navires sont immatriculés sous pavillon de complaisance, c'est-à-dire dans des pays très peu exigeants sur les plans administratif, fiscal et social ; certains n'ont même pas d'immatriculation, donc d'existence légale ! Ils pêchent au mépris du droit international (zones économiques exclusives) et des réglementations de gestion des ressources, et leurs captures sont "blanchies" par le transbordement en pleine mer sur des cargos frigorifiques ou d'autres bateaux de pêche. L'existence et l'augmentation de cette flotte est devenue une des préoccupations majeures des commissions internationales (comme l'Iccat, chargée des ressources thonières de l'Atlantique), qui tentent de constituer des fichiers de ces navires et d'exercer des pressions sur les Etats qui leur accordent leur pavillon. Il est évident qu'il ne faut pas attendre de ces pillards un quelconque respect des bouées scientifiques…

 

Quel avenir pour le réseau PIRATA, face au vandalisme ?

Mis en place progressivement à partir de 1999, le réseau PIRATA comporte actuellement 13 sites de mouillage de bouées. Certains ont rapidement été abandonnés car sujets à un vandalisme régulier. Sur les 81 bouées mise en place depuis le début du réseau, 7 ont disparu au bout d'un temps plus ou moins long, et divers incidents ont interrompu le recueil ou la transmission des données sur d'autres bouées. Par contre, la plupart des autres bouées ont été épargnées ; en 2003, l'ensemble du réseau a fonctionné sans problème, et même la bouée 0°-0° (qui a subi le plus de pertes, surtout au début) a tenu toute l'année 2005.

Histoire du déploiement du réseau PIRATA : les interruptions des lignes correspondent aux périodes de non-fonctionnement (ou de disparition) des bouées. A noter que les sites 2°S et 2°N à 10°W ont été abandonnés rapidement, et que le site 5°S-10°W a été déplacé en 2000 à 6°S-10°W. Les dernières bouées à 8°S, 14°S et 19°S ont été mises en place à août 2005 dans le cadre de l'extension Sud-Ouest (trois bouées supplémentaires seront mises en place en juin 2006 (dans le cadre des extensions Sud-Est et Nord-Est).

Aussi grave soit-il, le problème du vandalisme ne remet donc pas en cause actuellement l'existence du réseau, qui fournit des informations extrêmement utiles à toute la communauté scientifique. Cependant, l'avenir du réseau du programme PIRATA, qui pourrait être en partie conditionné par ces pertes de données, n'est pas encore assuré… En effet, un programme scientifique nécessitant des efforts financiers et humains lourds sur une longue période de temps (comme cela est le cas des réseaux fixes et permanents maintenus pour la surveillance du climat, donc de PIRATA) doit, avant d'être pérennisé, justifier son utilisé scientifique auprès des organismes scientifiques internationaux qui les financent. Il faut donc qu'il soit évalué. Pour cela, PIRATA, après une phase dite "pilote"', qui a duré de 1997 à 2000, a été prolongé par une phase de "consolidation" de 2001 à 2005. Pour évaluer l'impact des mesures sur les connaissances scientifiques et sur la prédiction climatique, une période de temps suffisante est nécessaire, et les quatre premières années de mise en place n'ont pas permis cet exercice. Cette année, les responsables du programme PIRATA (le Comité Scientifique International) ont donc fourni un document de synthèse sur les activités du programme, son impact sur les connaissances, un bilan financier, etc… Ce document est actuellement en cours d'évaluation, notamment par deux instances scientifiques internationales, qui sont CLIVAR (CLImatic VARiability and predictability) et OOPC (Ocean Observations Panel for Climate). Pendant le temps de cette évaluation, et d'éventuellement de redéfinir les textes contractuels entre les 3 pays qui sont en charge de ce programme (France, Brésil et Etats-Unis), le réseau continue à être maintenu sous sa forme actuelle, et ce jusqu'en février 2008. Il y a de fortes chances qu'il soit maintenu, mais les sites qui posent problème à cause du vandalisme seront peut-être déplacés, ce qui n'est pas sans conséquence sur leur accessibilité et donc sur le temps nécessaire pour les opérations de maintenance !

 
Site web de l'IRD
Accès au centre
Contacts IRD Bretagne
Mentions légales du site IRD